Turbulences et diffraction.

 Foyer imparfait pour une image parfaite !!!

En astronomie, la quête de l’image parfaite est loi dans le domaine de l’imagerie. Les instruments d’aujourd’hui sont fabriqués dans le but de donner une image dont les limites de qualité sont fixées par le patron de diffraction pourvu que les optiques de cet instrument soient parfaitement collimatées. Malheureusement, la taille de l’image d’une source ponctuelle sur un détecteur quelconque est déterminée par d’autres causes extrinsèques, comme l’écart du foyer par rapport à l’idéal, le « seeing » et la turbulence atmosphérique, le « tracking », etc.

Sir Georges Airy

Afin de former une image nette, les fronts d’onde d’une source distante doivent arriver en phase au foyer d’un instrument. Ce qui exige que la distance d’un trajet lumineux quelconque dans cet instrument ne doive pas s’écarter de plus d’une fraction de la longueur d’onde des autres rayons. Critère qui est rencontré dans la plupart des instruments bien colmatés d’aujourd’hui.

Mais même dans les meilleures circonstances, on a beau avoir l’optique la plus parfaite, toujours est-il que les lois de la physique font en sorte que l’image d’une étoile au foyer ou devrais je dire comme on l’a vu dans un précédent article, au plan focal d’un instrument, ne peut être ponctuelle. En effet, à cause de la taille finie et de l’ouverture circulaire de notre instrument, l’image sera imprégnée des effets de la diffraction. Le phénomène de diffraction est causé par la nature ondulatoire de la lumière. Et à cause de cette propriété physique de la lumière et de ses effets, bien en langage simple disons que les fronts d’onde qui arrivent presque en phase dans l’instrument, sont concentrés non pas vers un point, mais plutôt vers une région. Cette région a la forme d’un disque et est nommée disque d’Airy ou parfois patron de diffraction (voir fig 1) en l’honneur de l’astronome britannique sir Georges Airy.

Turbulencs et diffraction

Le disque d’Airy est fini et mesurable, et peut être calculé. Comme nous le montre la figure 1, il est constitué d’un centre brillant, entouré d’une succession d’anneaux de moins en moins brillants jusqu’à ce que ces derniers soient indiscernables. Si nous mettions un détecteur au plan focal de l’instrument, le disque d’Airy serait théoriquement la plus petite figure discernable. Mais ça, c’est en théorie…

La taille réelle du disque d’Airy est donnée par la formule suivante : 2,44 x lambda x N où 2,44 est une constante, lambda est la longueur d’onde et N est le ratio focal de notre instrument. Étant donné la répartition de l’énergie lumineuse dans le patron de diffraction (voir plus bas), certains ne tiennent compte que de la zone centrale que l’on nomme pleine largeur mi-maximum (FWHM) et qui est donnée par : 1,02 x lambda x N. En d’autres termes, la taille réelle du disque d’Airy ne dépend que du rapport focal, peu importe le diamètre. À ne pas confondre avec la taille angulaire du disque d’Airy qui elle dépend du diamètre du primaire et qui a rapport avec la résolution de l’instrument. Dans un système optique « parfait », l’énergie lumineuse distribuée dans le disque d’Airy est de 84 % dans la zone centrale, et de 16 % répartie dans les anneaux concentriques suivants, de façon décroissant en intensité en s’éloignant de la zone centrale. L’obstruction centrale de l’instrument vient modifier cette répartition d’énergie au profit des anneaux externes venant du même coup réduire le contraste et la résolution de l’image. Pour un instrument de diamètre donné, si on rallonge la focale d’un facteur deux, on double aussi la taille du disque d’Airy. Ce qui nous emmène vers la tolérance au foyer.

Foyer idéal ???

Taille du patron de diffraction oblige, il n’existe donc pas de foyer ponctuel et « exact », mais il existe plutôt une fourchette (s’cusez Mr Desjardins) de tolérance au foyer (voir la figure 2) et qui est donnée par : 4 x N2 x lambda. Autrement dit, cette zone de tolérance est proportionnelle au carré du rapport focal. Cette zone est donc quatre fois plus grande dans le cas d’un F/10 que pour un F/5. À l’intérieur de la zone de tolérance, la taille du disque d’Airy demeure inchangée et il est considéré au foyer. C’est le meilleur compromis acceptable, par rapport au foyer idéal.

Foyer idéal

En y regardant de plus près, il y a un autre « caillou dans’ bottine » quand on cherche à obtenir le foyer idéal lors d’une session d’astrophoto. Prenons le cas d’un F/5 comme en ce qui me concerne, pour une lumière de 0,55 micron de longueur d’onde. Selon l’équation ci-haut, la tolérance est de 4 x 5 x 5 x 0.55 = 55 microns. Ce qui veut dire que le porte oculaire doit avoir la souplesse et la précision donc la capacité de mettre le détecteur à une distance de 55 microns ou mieux du foyer idéal, afin d’avoir l’image parfaite. Ce qui veut dire aussi que les optiques doivent demeurer parfaitement stables lors du tracking de l’instrument, ou lorsque celui-ci atteint l’équilibre thermique afin de garder le foyer inchangé. Ce qui veut dire aussi que la turbulence atmosphérique est « mortelle » dans un cas comme celui-ci. Ce qui veut dire aussi que l’on peut dire mission impossible ou de compromis dans la très grande majorité des cas. L’emploi d’un « barlow » pour des rapports focaux bas est avantageux.

Turbulence et « seeing »

Avec le phénomène de diffraction, la turbulence atmosphérique vient aussi rendre l’astronome amateur en bête. J’me souviens d’un cas en particulier où j’étais tellement en colère, que ch’suis v’nu tout vert et je me suis mis à grossir, déchirant mon linge, pis là j’me suis retrouvé nu-pieds et en bedaine, et j’ai tout pitché mettant quasiment mon télescope en orbite géostationnaire !!! Vous voyez que la turbulence joue donc un rôle important dans notre choucroute. Dans l’atmosphère, elle est responsable du brassage et du mélange des masses d’air de températures différentes et donc des indices réfractions variants, venant ensuite gâcher la session astrophoto en perturbant l’image parfaite. Le seeing vient quantifier la dégradation de l’image par ces fluctuations turbulentes. Plus elles sont rapides et de grandes amplitudes, plus l’image est détériorée et plus le seeing est mauvais. L’image « bouge » alors rapidement et de façon aléatoire au plan focal de l’instrument. Cette dégradation est d’autant plus sévère que la longueur d’onde de la lumière est petite.

Regardons d’un peu plus près ce qu’est le seeing. Comme mentionné précédemment, il y a un rapport entre la fréquence du photon considéré, et la sévérité du seeing. On parle alors de la taille du seeing pour une lumière donnée. La taille du seeing est donc une fonction de la longueur d’onde. En termes plus techniques (et pour les plus curieux), elle est égale au rapport d’un nombre nommé paramètre de Fried à la longueur d’onde. Ce qui veut dire que l’astronomie des grandes longueurs d’onde en est un peu moins affectée que l’astronomie visuelle.

Le nombre ou paramètre de Fried, désigne simplement la limite circulaire sur lesquels les perturbations aléatoires par la turbulence atmosphérique sur la phase de l’onde sont inférieures à un radian. Ce qui nous renseigne aussi sur le diamètre maximal d’un instrument qui aurait une image seulement limitée par la diffraction, en laissant de côté le seeing. Citons comme exemple, le cas d’une lumière de 0,55 micron (jaune-vert), alors, le paramètre de Fried est égale à +/- 10 cm. C’est pourquoi vous entendez parfois ici et là que lors de soirée de mauvais seeing, à conditions égales un petit 4.5 fera mieux que le gros 12.5 d’un point de vue de la stabilité de l’image au foyer.

Ciao et bons cieux !!!!!

Mario Lessard

Version originale :

La chronique à Mario, Mai 2003

 

 

 

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